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Définitions actuelles
Les définitions modernes de l’Intelligence suivantes sont proposées par le Wiktionnaire[@contributeurs_wictionnaire_intelligence_2021]. Je vais analyser ici chacune d’entre elles, en me reposant sur un concept universel d’Intelligence que je détaillerai dans un prochain chapitre. Je ne critique pas la définition en elle-même, mais son incapacité à exprimer ce que je considère comme étant l’Intelligence à un niveau plus général.
- Faculté de comprendre, de ne pas se méprendre sur le sens des mots, la nature des choses et la signification des faits.
Bien qu’ouvrant sur une capacité générale, abordable aux Animaux et aux Plantes (les Animaux peuvent faire preuve d’empathie, les Plantes peuvent réagir en cas d’agression, ce qui prouve leur capacité de « comprendre la nature des choses et la signification des faits »), cette définition précise que l’Intelligence est la capacité de « ne pas se méprendre sur le sens des mots ». Ici, « mots » reste vague: qu’est-ce qu’un « mot » ? Est-ce qu’un gazouillis ou un croassement de fréquence et de rythme spécifiques sont un mot pour un oiseau ou une grenouille ? Est-ce que l’émission d’une phéromone spécifique est un mot pour une plante ou une fourmi ?
Cette définition me semble trop dépendante de qu’on conceptualise généralement comme une spécificité de l’Homme pour être universelle.
- Activité volontaire et réfléchie de l’homme s’exerçant d’une façon normale en vue de la connaissance et s’opposant à l’instinct.
Cette définition est ouvertement anthropocentrique (« de l’homme »). Elle nous pousse à croire que instinct et connaissance sont opposés, alors que l’instinct nait par l’acquisition de la connaissance (quelqu’un qui se brûle ne s’exposera plus instinctivement à une source potentiellement ignée), et la connaissance nait de l’instinct (l’instinct pousse à certaines actions qui mènent à la découverte, et donc, à la connaissance). Elle place donc l’humain sur un piédestal, prétendant que nous sommes la seule espèce agissant « en vue de la connaissance », en opposition avec les autres Animaux qui réagissent « à l’instinct », omettant par conséquent tout enseignement des théories darwiniennes sur la psychologie évolutive, et par extension, toute étude portant sur l’Intelligence Animale, voire dément l’existence de toute forme d’intelligence autre qu’Humaine.
En outre, l’I.A. est dépourvue d’instinct: c’est une création mathématique, formelle. Suivant cette définition, l’I.A. est Animale, et donc inférieure à l’Homme. Mais est-ce vraiment ainsi qu’on la présente ?
- Développement des facultés de comprendre et de raisonner au-dessus de la moyenne.
Une « moyenne » est constatée. Dans une population humaine et avec des moyens humains (tels que les tests de quotient intellectuel), il est relativement facile de produire une moyenne, ou en tout cas, de pointer les individus « plus » ou « moins » intelligents. Mais ces tests sont humains, et ne s’appliquent pas à d’autres formes d’intelligence. Doit-on déduire qu’un gorille particulier est plus intelligent que tous les autres parce qu’on lui a appris, à lui seul, la langue des signes ? Ou bien doit-on considérer qu’un gorille « moyen » en aurait été également capable ? N’est-ce pas là un gorille « moyen » à qui on aurait simplement « donné sa chance » ?
Nous ne sommes pas en mesure d’établir une moyenne réaliste de l’intelligence pour d’autres espèces que la nôtre, je considère donc cette définition comme anthropocentrique et inappropriée.
- Connaissance approfondie, compréhension nette et facile.
Cette définition sous-entend que l’intelligence n’est pas innée mais acquise: si elle est « approfondie », c’est que l’on a procédé à un apprentissage pour l’obtenir, et que donc on s’écarte d’une norme pré-définie de ce qu’est la connaissance « non-approfondie », innée. Or, une définition de l’Intelligence devrait bien prendre en compte l’Intelligence innée aussi bien que celle acquise.
- Aptitude, capacité particulière, don pour une activité.
Contrairement aux autres définitions, celle-ci me semble pertinente: elle n’est pas anthropocentrique, ni ne suggère une particularité physique ou intellectuelle pré-requise. Les Plantes peuvent se définir de cette façon, de part leur « capacité particulière » à communiquer, aussi bien que les baleines, de part leur « capacité particulière » à se déplacer en fonction du champ magnétique terrestre. L’Intelligence Artificielle entre également dans cette définition, quand celle-ci est focalisée à un usage spécifique tel que la reconnaissance d’objets.
Je pense toutefois qu’elle est très incomplète.
- Adresse, habileté, et s’applique surtout au choix des moyens employés pour obtenir un résultat.
Ici, l’Intelligence est associée à une capacité physique (« adresse » et « habileté »), ce qui exclut de facto toute espèce dépourvue de membres, ou tout du moins, toute espèce dépourvue de corps (telle que l’I.A. hors de la robotique). Pourtant, les Plantes chlorophylliennes font preuve d’habileté pour escalader les obstacles à la lumière, y compris dans des environnements non-naturels: pensez au liseron (la famille des Convolvulaceae, du latin convolvere, qui signifie « s’enrouler ») qui s’agrippe à une clôture, ou à la vigne qui épouse les interstices des briques des maisons. Pourtant, elles n’ont pas encore la structure physique nécessaire pour s’enrouler autour de l’obstacle: elles poussent, croissent, tout en s’enroulant. C’est parce que leur « corps » croît autour d’un objet qu’elles disposent de cette « habileté ». Toutefois, quels sont les « moyens » dont la Plante dispose pour obtenir ce résultat, si ce n’est pousser ? Si on peut considérer une Plante comme habile mais dénuée d’intelligence parce qu’elle n’a pas le choix des moyens employés, cette définition est trop restrictive.
Bien sûr, on peut aussi parler d’habileté « intellectuelle »: la solution à un problème mathématique sera qualifiée d’« habile » si elle est simple, ingénieuse, et entrera dans cette définition grâce « au choix des moyens employés pour obtenir un résultat ». On peut donc considérer que l’I.A. est couverte avec précision par cette définition, de même que l’humain et certains Animaux seulement, mais exclut les Plantes.
- Accord, entente, harmonie, union de sentiments.
- Correspondance, communication entre des personnes qui s’entendent l’une avec l’autre ; connivence.
- Ententes, conventions secrètes.
Ces trois dernières définitions peuvent être résumées dans cette phrase simple:
Être en bonne intelligence
On ne parle donc pas de l’Intelligence telle que je cherche à la définir globalement, mais dans un contexte social spécifique, et notamment humain (« communication entre des personnes »), ou faisant appel à des notions typiquement humaines (« connivence », « conventions secrètes »).
La première de ces trois définitions me rappelle toutefois ce qu’on appelle la symbiose, c’est-à-dire la capacité pour un organisme d’interagir avec son environnement et réciproquement dans un but mutuellement bénéfique, tels que Indicatoridae, ces oiseaux qui indiquent – via un chant spécifique – les nids d’abeilles aux populations autochtones, principalement des humains mais pas seulement. Ces humains délogent les abeilles de la ruche pour en récolter le miel, pendant que l’oiseau se repait de la cire et des larves.
La symbiose existe sous de nombreuses formes différentes, et fait l’objet d’une science toute dévouée. On rappellera ainsi que :
l’intestin humain contient entre 1000 et 1150 espèces de bactéries. Elles ont un rôle favorable dans la digestion, dans la régulation du système immunitaire et empêchent la colonisation par des organismes pathogènes. –[@contributeurs_wikipedia_symbiose_2021]
On ne considère pas pour autant ces bactéries comme étant intelligentes.
Je n’aborderai pas ici la définition de l’Intelligence selon la psychologie : en dehors de l’éthologie, l’Intelligence est essentiellement considérée comme une caractéristique typiquement humaine, ou étudiée uniquement chez l’humain.