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2021-05-31 22:33:13 +02:00
## Vers une société astronomique
Quand il s'agit d'entrer en communication avec une civilisation extraterrestre,
je vois trois cas de figure.
Soit c'est nous qui faisons le premier pas: nous nous présentons, de façon
pacifique. C'est la démarche scientifique, inaugurée par les sondes Pioneer.
Nous allons activement à la rencontre d'autres civilisations. C'est un fait
scientifique depuis 1972. La fiction nous propose des histoires alternatives,
où nous jouons un rôle plus actif dans l'exploration de l'univers, et où nous
finissons par devenir les garants de la sécurité globale, y compris dans des
conflits entre civilisations extraterrestres dans lesquels nous n'avions pas à
prendre part.
Soit une civilisation extraterrestre entre en contact avec nous. Comme il n'est
pas prouvé que c'est déjà arrivé, nous ne pouvons que spéculer sur notre
comportement face à une telle situation, et comme souvent, la fiction a déjà
exploré ce domaine. D'ailleurs, Andrew Fraknoi de l'Université de San Francisco
nous a proposé en 2019 une liste des histoires de science fiction traitant
correctement de l'astronomie et de la physique[@fraknoi_science_2019]. Et on
s'aperçoit que, statistiquement, les œuvres anticipant des rapports pacifiques
avec une civilisation extraterrestre qui entrerait activement en contact avec
nous sont plutôt rares. On les présente alors souvent comme une espèce qui a
épuisé les ressources de sa planète d'origine, et malheureusement, la planète
suivante dans sa liste est la notre. S'ensuit une lutte pour notre survie. Un
thème qui pouvait sembler terrifiant pendant des dizaines d'années, mais qui
aujourd'hui me semble éculé. Le chef dœuvre du genre reste, selon moi, _La
Guerre des Mondes_[@wells_guerre_1898], publié en 1898 par Herbert George Wells
(1866 - 1946). Son analyse mériterait d'être beaucoup plus exhaustive, mais je
vais me limiter à ce qui nous intéresse ici: nous luttons face à un envahisseur,
comme des fourmis pourraient lutter contre la construction d'une maison humaine
sur leur fourmilière. Et ce n'est que parce que les extraterrestres ne sont pas
immunisés face aux microbes terrestres que nous avons échappé à l'extermination.
Ce roman doit graver dans nos esprits deux choses: nous pourrions être
nous-mêmes ces extraterrestres, nous pourrions nous-mêmes anéantir toute une
civilisation au motif de vouloir, ou devoir, nous installer ailleurs, et ce sans
même le savoir, mais est-ce vraiment ce que nous voulons ? Et d'autre part, nous
devons rester humbles, surtout face à l'inconnu, car nous pourrions ne pas nous
révéler à la hauteur et risquer l'extinction.
Enfin, il se pourrait qu'une civilisation extraterrestre soit humaine: si nous
envoyons effectivement une colonie permanente sur la lune, voire sur Mars, au
cours des prochaines décennies, et sur d'autres planètes dans les siècles à
venir, nous devons réfléchir à comment éviter un conflit avec ces colonies.
Rappelons que de telles colonies seraient vraisemblablement internationales, et
qu'elles pourraient donc, structurellement, représenter notre espèce auprès
d'autres civilisations non-humaines dans l'espace, alors que dans le même
moment, nous restons nous-mêmes divisés sur Terre. Chaque groupe que nous
envoyons dans l'espace n'est pour le moment qu'une équipe de chercheurs. Quand
nous enverrons des colons sur un objet astronomique, ils seront à l'origine
d'une société, indépendante - de fait - des nôtres, sur laquelle nous n'aurons
pas de contrôle. C'est la raison pour laquelle nous devrions unifier nos
sociétés, les rendre inclusives, pacifiquement, atteindre l'unification des
peuples que j'ai mentionné antérieurement, avant de songer à créer de telles
sociétés. Car, à l'heure actuelle, rien ne me laisse à penser qu'un conflit ne
pourrait pas éclater entre ces colonies et nous. Rien que le terme "colonie"
fait référence à de trop nombreuses tentatives pour un gouvernement central de
fédérer des pays distants, qui, presque tous, ont opté aujourd'hui pour
l'indépendance. Changeons notre vocabulaire, prenons garde de ne pas répéter nos
erreurs historiques, et gardons à l'esprit que ces "avant-postes astronomiques"
seront des sociétés humaines, scientifiques de surcroît
Dans tous les cas de figure, il faut dès aujourd'hui anticiper des
communications régulières, à très longue distance et à très haut débit. Il
faudrait que, dès l'établissement du premier avant-poste permanent, nous
disposions avec lui de capacités de communications au moins aussi avancées que
ce dont nous disposons actuellement sur Terre, ce qui, pour l'heure, n'est pas
possible. En l'absence de communications efficaces, nous ne pourrons pas
entretenir de relations efficaces avec cet avant-poste. Sans relations, pas de
structure sociale. Sans structure sociale, pas de civilisation. Nous devons, à
l'heure actuelle, résoudre nos problèmes sociaux pour faire avancer la science,
mais envoyer trop tôt des sociétés s'établir de façon permanente sur d'autres
corps astronomiques nous obligerait à faire avancer notre technologie pour
permettre des relations sociales avec elles. Ce qui nous ferait immanquablement
stagner dans les deux disciplines, alors même que nous serions persuadés d'être
extrêmement avancés de par la présence-même de ces colons où ils se seront
établis. C'est là qu'est tout le danger de croire aveuglément en la capacité de
la science à résoudre tous les problèmes, alors qu'en vérité, elle ne devrait
servir qu'à formuler des théories et les prouver par l'expérience, afin
d'améliorer notre compréhension du monde, et pas interférer avec celui-ci.
Dans un univers âgé de plus de treize milliards d'années, _Homo sapiens_ ne vit
que depuis trois cent mille ans. Nous devons admettre que d'autres espèces
existent dans cet univers, et qu'elles ont évolué depuis plus longtemps que
nous. Il est scientifiquement possible d'admettre que certaines espèces ont pu
évolué pendant quelques milliards d'années, et qu'elles disposeraient donc de
capacités, physiques ou techniques, que nous n'avons même encore jamais imaginé.
Si c'est un fait que la science admet généralement bien aujourd'hui, les
populations non-académiques ont encore du mal avec cette idée. Beaucoup
n'admettent même pas l'idée qu'il existe autre chose que nous au-delà de notre
système solaire. Au même titre que nous n'admettions pas qu'il puisse exister
autre chose au-delà de la mer dans l'Antiquité.
Une société astronomique pourrait entraîner la résolution du problème de la
surpopulation. Après tout, la notion de surpopulation est intrinsèquement liée à
la couverture géographique: dans l'espace, il y a suffisamment de place pour
tout le monde, et probablement pour longtemps. Nous ne sommes évidemment pas
prêts pour entreprendre la colonisation de l'espace, face aux difficultés que
cela représente à l'heure actuelle. En allant sur notre lune, nous avons glissé
le bout d'un orteil dans l'eau glacée avant de le retirer aussitôt, et nous n'en
sommes qu'à projeter de poser un pied sur Mars. Il est certain que cela prendra
du temps avant de pouvoir établir des colonies permanentes au-delà de notre
atmosphère, et nous faisons tout pour y parvenir. Mais notre réussite sera
surtout technique, et nous incitera à pousser de plus en plus loin, sans que
jamais ne se pose la question "devrions-nous le faire ?". Je n'ai toujours pas
résolu ce paradoxe malgré mes réflexions sur le sujet: devrions-nous insister
dans notre entêtement à nous installer de plus en plus loin, grâce à un espace
"infini", si possible à un rythme suffisant pour inverser la tendance à la
surpopulation, ce qui résoudrait (ou en tout cas masquerait significativement)
nos problèmes sociaux, ou devrions-nous chercher une solution plus directe à ces
problèmes _en premier lieu_ ?